«L’électromobilité est un décathlon que l’on ne peut remporter dans une seule discipline»

Cela fait bien longtemps que le marché des voitures électriques n’est plus une niche. Elles font de nos jours partie intégrante de la gamme de chaque constructeur automobile et la domineront dans un proche avenir. Mais la branche fait-elle réellement assez pour permettre à l’électromobilité de percer rapidement? Marc Langenbrinck, CEO de Mercedes-Benz Suisse, prend position concernant cinq reproches que l’on entend régulièrement.


4. février 2022

Reproche 1

Manque de conviction

Reproche 1

Manque de conviction

Les constructeurs automobiles ne misent pas sur l’électromobilité par conviction mais par pur dessein financier. Les émissions de CO2 générées par les voitures leur reviennent tout simplement trop cher!

Ce qui nous importe, c’est le souhait du client. Ce n’est qu’en le satisfaisant que nous pourrons connaître un succès durable en tant que constructeur automobile. L’électromobilité est une volonté politique et sociale, et judicieuse d’un point de vue écologique en Europe et en Suisse, mais elle devient également de plus en plus un souhait exprimé par nos clients. Notre industrie s’est donc fixé pour objectif de proposer une mobilité individuelle neutre en CO2. Mercedes-Benz a inventé la voiture et nous la réinventons tous les jours en la développant en continu et en optimisant sa consommation de ressources. Dans les quatre prochaines années, Mercedes-Benz investira pas moins de 70 milliards d’euros dans la numérisation et l’électromobilité. Cette somme montre que notre ambition est on ne peut plus sérieuse: nous voulons être totalement neutres en CO2 à l’horizon 2039: en termes de développement, d’approvisionnement, de production, de distribution et de flotte automobile. D'ailleurs, nous produisons déjà nos véhicules sans CO2. Toutefois, c'est le marché et la demande qui resteront déterminants pour la réussite de l’électromobilité.

Reproche 2

Le rythme est trop faible

Reproche 2

Le rythme est trop faible

Le rythme auquel des voitures électriques performantes et abordables arrivent sur le marché est bien trop faible. Une percée rapide ne pourra se faire dans de telles conditions!

Cette percée n’échouera certainement pas en raison de l’offre en véhicules. Un coup d’œil sur  notre gamme de véhicules entièrement électriques (EQA, EQB, EQC, EQE, EQS et EQV) parle de lui-même. D’ici deux ans, nous proposerons un modèle entièrement électrique dans chaque segment important pour nos clients. En outre, nous proposons environ 30 véhicules hybrides rechargeables offrant une autonomie en mode électrique pouvant atteindre 100 kilomètres. En tant que constructeur, nous faisons énormément pour promouvoir l’électromobilité: avec nos véhicules et nos services dans le domaine de la recharge. Nous entendons de la part de nos clients qu’ils éprouvent du plaisir à conduire nos véhicules entièrement électriques et que ceux-ci sont intéressants en termes de prix. Ils émettent toutefois des doutes quant aux systèmes périphériques, à savoir l’infrastructure de recharge et les conditions nécessaires à la conduite électrique. La percée de l’électromobilité est un décathlon. En tant que constructeur, nous réalisons des performances de pointe dans nos disciplines. Par contre, le niveau de préparation des autres participants n’est pas encore suffisant dans leurs disciplines.

Reproche 3

Les hybrides plug-in sont une tromperie

Reproche 3

Les hybrides plug-in sont une tromperie

Les véhicules hybrides rechargeables sont une solution transitoire pour les constructeurs. S’ils ne sont pas chargés de manière conséquente, leur bilan carbone est alors extrêmement décevant.

En effet, le bilan carbone d’une telle voiture dépend du comportement de son propriétaire. Où est le problème? En Suisse, nous attachons une grande importance à la responsabilité individuelle. De plus, nous sommes fiers de notre formidable nature et voulons la préserver. Et c’est justement dans ce pays que le constructeur d’un véhicule hybride rechargeable devrait porter la responsabilité du fait que son conducteur recharge régulièrement sa voiture avec du courant électrique? Cela n’a pas de sens selon moi. De plus, je suis convaincu que les modèles hybrides rechargeables ont toute leur légitimité en tant que voitures longues distances. En combinaison avec un moteur diesel excellent en matière de performance écologique, les valeurs de consommation en cycle mixte sont largement en-deçà des seuils de consommation actuels, même pour les modèles puissants. S’ajoute à cela le fait que l’infrastructure de recharge à domicile est moins importante pour les modèles hybrides rechargeables. En d’autres termes: une prise domestique suffit dans la plupart des cas.

Reproche 4

Les voitures électriques sont peu attrayantes

Reproche 4

Les voitures électriques sont peu attrayantes

L’utilisation des voitures électriques est encore trop compliquée. Des autonomies insuffisantes, des opérations de recharge trop complexes et une technique trop lourde dans le cockpit nuisent à l’attractivité des véhicules électriques!

C’est tout simplement faux! Les personnes qui ont abandonné l’argent liquide au profit de Twint ou qui sont passées de la cabine téléphonique au smartphone, sauront également passer au véhicule électrique, et à la recharge électrique plutôt qu’au plein d’essence. Mon père de 82 ans a facilement passé le cap et il est totalement séduit. Nos véhicules Mercedes-EQ ressemblent tellement à un moteur à combustion que l’on se sent immédiatement à l’aise lorsqu’on prend place derrière le volant. La plupart des fonctions sont auto-explicatives. Et grâce aux services numériques, la planification optimale des itinéraires, l’activation des stations de recharge et les opérations de recharge sont un jeu d’enfant. Affichant une autonomie en mode électrique de 420 à 770 kilomètres, nos modèles EQ disponibles actuellement présentent en outre une praticité absolue au quotidien. 

Reproche 5

Développez enfin l’infrastructure de chargement 

Reproche 5

Développez enfin l’infrastructure de chargement 

En matière d’infrastructure de recharge, les constructeurs automobiles font toujours porter le chapeau aux autres plutôt que de s’engager davantage dans ce domaine!

Personne ne viendrait à l’idée de porter réclamation auprès de sa marque automobile lorsqu’une station-service ne fonctionne pas. Pourquoi posons-nous cet argument pour l’électricité? Nous les constructeurs automobiles avons pris notre part de responsabilité: nous produisons des voitures attrayantes et pratiques au quotidien et les proposons à nos clients dans toute la Suisse, avec la collaboration de nos concessionnaires. Grâce à notre boîtier mural Mercedes-Benz, nous offrons même un accès facilité au réseau électrique. Mais l’électromobilité est un décathlon que l’on ne peut remporter dans une seule discipline. Tous les acteurs sont sollicités, notamment les producteurs d’électricité qui doivent garantir un mix énergétique durable et un réseau de distribution performant. L’état qui doit fixer les normes afin que des possibilités de recharge supplémentaires soient créées à domicile et sur le lieu de travail, est également mis à contribution. De même, les villes et les communes doivent prendre leurs responsabilités et rendre la conduite électrique attrayante dans leurs quartiers en offrant plus de possibilités de recharge et des prix d’électricité avantageux. J’en suis convaincu: si les entreprises, l’état et la population prennent leur part de responsabilité, nous gagnerons ce décathlon ensemble.